Un train pour Kyoto

 

Voyageurs distraits. Voyageurs inquiets. Voyageurs pressés. Voyageurs perdus.

Voyageurs qui s’égarent. Voyageurs qui se séparent. Voyageurs qui se retrouvent.

Un Train pour Kyoto, à quai.

En attente. En partance. Qui sait ? 

On imagine ce que pourrait être ce voyage vers cette cité entourée de plantations de camélias pour lesquelles leurs feuilles donneront un thé vert puissant. Les yeux, le visage collés à la fenêtre laissent les paysages défiler, les gouttes d’eau glisser sur la vitre. Ces voyageurs là sont ballotés par les rêves, ballotés par ce train qui avance. Ballotés en regardant les nuages qui jamais n’arrêtent leur course.

À l’écoute, il se dégage une dimension joyeuse, une dynamique heureuse teintée parfois de mélancolie sinon de fragilité. La mélodie est trépidante. Les sonorités sont feutrées et claires, sourdes et exaltantes. 

Leur univers fait presque penser aux chants qui s’étirent de la musique soufie, par certains autres côtés aux résonances orientales, une richesse mélodique dans les basses ainsi qu’une dimension rythmique entraînante  si caractéristique du jazz klezmer.

Un « Train pour Kyoto » pourrait être cet air que l’on fredonne l’air rêveur, l’air moqueur, l’air taquin, l’air de rien.

Ainsi les notes suaves, profondes, rondes puissantes du saxophone associées à celles des cordes frottées et pincées de la contrebasse : indéniablement la magie opère. Lorsque Jordan Smart, le saxophoniste du groupe de jazz d’influence electro « Mammal Hands » s’associe à Milo Fitzpatrick, contrebassiste et membre fondateur de la formation minimaliste de jazz aux influences atmosphériques « Portico Quartet », la résultante fait naître un duo prénommé « Vega Trails ».

Les deux britanniques proposent une musique lumineuse, charismatique qui magnifie la contrebasse et font danser les sons chauds et cristallins du saxophone.

Leur musique ressemble à une déambulation puissante et sinueuse sinon une ascension déterminée dès les premières couleurs d’un nouveau jour dans une nature encore engourdie par la nuit. 

L’écoute commence presque comme si vous étiez sur la pointe des pieds, à tâtons dans l’obscurité, sous un ciel sans lune. Vous avancez confiant. Un peu plus loin, « Closer » fait partie de ces morceaux qui presque dévoile l’intrigue. À lui seul, sa musicalité magnifie un rapprochement, une entente non dite.

Si « Spiral Slow » propose un jeu résolument enjoué, enthousiaste, frénétique;  « New Planet » quant à lui est puissant et beau. 

L’écoute parfois nous joue des tours. « Red Moon Rising » donne l’impression de percevoir les notes hautes du hautbois et pourtant, on est toujours dans les notes basses du saxophone tenor sinon de la clarinette basse, de la flûte Ney. Curieuse ambivalence et contraire harmonieux se marient à merveille. 

Tout le long de l’écoute, les sons produits par la contrebasse et la clarinette basse grondent et bourdonnent. L’un et l’autre sont naturellement chaleureux et vibrants. 

Les musiciens de Vega Trails sont de vaillants éclaireurs. Ils ouvrent la voie dans les brumes. Ce duo s’apparente à deux inconnus qui vont tout partager le temps d’un voyage. Le voyage d’une vie. L’orchestration est colorée. Les deux musiciens si différents et pourtant si complémentaires se comprennent, se répondent. 

Ainsi, « Tremors in the Static » est un album immersif  qui dure à peine 35 minutes. Cet opus rend votre âme vivante. Écouter de la musique nous fait nous sentir bien. Toujours. C’est un peu comme si une fleur vous confiait un message juste en la regardant grandir.

Cet album s’apparente à un voyage enivrant,  secret, à l’intérieur de soi.    La mélodie est réfléchie. La composition donne l’impression d’être improvisée, spontanée. 

Plus je l’écoute, plus ce type de répertoire à l’oreille est inspirant. La résonance des sons fait naître des phrases  presque térébrantes.  Il est emprunt d’une certaine mélancolie. On ne peut rien faire d’autre qu’écouter ce que ce duo a à dire.

Tel un souffle intime, le temps n’existe plus. L’instant est à la fois absolu et suspendu, puissant et beau, magnétique.

 

 

Écoute intégrale de l’album : Tremors in the Static

1. Love Your Grace : 00:00
2. Train to Kyoto : 02:34
3. Spiral Slow : 05:37
4. Thoughts Shifting : 11:47
5. Closer : 13:46
6. New Planet : 17:45
7. Red Moon Rising : 21:09
8. Epic Dream : 24:49
9. Tremors in the Static : 31:08

 

Sur Spotify :

 

Vega Trails :

Jordan Smart :
– saxophone tenor
– saxophone soprano
– clarinette basse
– flûte Ney

Milo Fitzpatrick :
– contrebasse

Label : Gondwana Records
Site internet : https://vegatrails.com/

 

 

Charlotte | Bokeh Me Not

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