Envolée inattendue

Son jeu se retrouve plus largement dans les répertoires du blues jusqu’aux différents territoires du jazz en passant par la musique expérimentale, la musique contemporaine, l’ambient, le trip-hop. Il n’est pas rare qu’un saxophone rejoigne le temps d’un concert une formation expérimentale, voire postrock; ce dernier apportant un accent, une nuance, une extravagance.

Pourquoi vouloir à tout prix catégoriser un instrument de musique à un genre ou à un répertoire musical en particulier ?

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Silencieusement vient la nuit

Ce qui nous sépare du monde végétal est le temps ou plutôt le tempo.

Le tempo est une valeur. Il est une unité qui désigne à la fois une durée et un mouvement.  Notre pouls est à lui seul un métronome. Impatient. Il active notre vie au rythme des secondes quand les plantes s’accordent sur la durée des jours et des nuits.

Avez-vous déjà entendu une fleur se déployer ? L’avez-vous déjà  vue ouvrir un à un ses pétales délicats ? Comment pouvons-nous percevoir le changement de leur apparence ? Le métabolisme d’une fleur est lent. Chaque modification si infime soit-elle n’est visible qu’en détournant notre regard.  Cet espace-temps nous permet d’apprécier leur évolution.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quel est le lien entre la croissance d’une fleur et  l’univers sonore de ce qui va suivre ? 
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Au-dessus d’une mer grise et verte

Tout résonne  autour de vous. Vous comprenez assez vite que vous êtes sur une voie qui ne ressemble à aucune autre. Les parois de la roche brute d’une myriade de teintes se découvrent les unes après les autres, les aspérités et les orgues basaltiques se dessinent. Le tumulte des pigments vous fascine. Votre œil cherche à accrocher une surface familière. En vain.

Le sol brûlant vous chauffe la plante des pieds. Pris dans une course frénétique, la Nature vous souffle de suivre avec elle le tempo.

Vous êtes au cœur de la matière, ancré à la Terre. Une autre dimension vous envahit. Fasciné devant cette beauté sauvage. Ce pourrait être la savane, les gorges vertigineuses au milieu desquelles coulaient autrefois un sillon de lave. La roche érodée, abrasive tout autour vous absorbe complètement.

Les panaches de lave se déchaînent, les scories ponctuent invariablement le flux continue des sons. Tout est vivant. Autour de vous, sans que vous ne sachiez pourquoi,  le vent gronde. 

Vous êtes projeté dans un tout autre monde au dessus d’une mer grise et verte. Soudain, vous voilà hissé au-dessus de la canopée, camouflé dans votre abri sur la cime d’un attrapeur de lumière, un palmier aux grandes feuilles. 

Vous prenez le pouls de la forêt humide, immense, dense qui vous entoure.

Vaillant observateur.

La forêt s’étend à perte de vue.

Quel arbre regarder. Comment se repérer devant autant de disparités et de similitudes ? De quelle essence est cet arbre, et cet autre ? Les sons de la nature, le cliquetis, le flux des sources chaudes vous enveloppent. Au loin, vous sentez monter le parfum des sous-bois.

A pas de velours, une horde d’animaux sauvages, bat en retraite . De votre plateforme d’observation, vous entendez, scrutez, percevez le moindre son. 

Leurs pas lourds, affirmés vous questionnent. Tout résonne. Tout bourdonne. Que se passe-t-il ? D’où ce son si caractéristique peut-il venir ? Serait-ce un essaim d’abeilles qui viendrait prendre possession d’un exquis parfum au cœur des ramures de votre arbre-palmier ?

L’expérience qui suit est sensorielle. Écoutez avec vos yeux. Sentez avec vos oreilles. Vous voyez. Il se rapproche. Qui donc ?

Un territoire expérimental à souhait vous accueille à bras ouverts. Il se peut que vous soyez dérouté. Cela fait un moment que je souhaite vous faire découvrir son univers, hors du commun, tellement il fait sens pour moi.  La quête du rythme se poursuit. La résonance des couleurs progresse entraînant avec elle celles des harmoniques entêtantes, envoûtantes.  

Aujourd’hui, je vous parle de l’univers prolixe d’un saxophoniste basse, celui de Colin Stetson. Il est doté d’une habileté et d’un genre hors  norme défiant la créativité, la technicité. Il compose et interprète des mélodies d’un autre monde qui combinent une maîtrise de la technique de respiration circulaire avec un travail de percussion à valves et des vocalisations à anches, faisant une musique solo polyphonique aux influences variées.

J’adore son style, son répertoire, sa façon de jouer communicative. Je l’écoute depuis quelques années et chaque morceau dévoile une richesse infinie. 

Les premières secondes d’écoute pourront vous paraître perturbantes, disgracieuses, cacophoniques, déconcertantes, dérangeantes, irritantes.

Dès ce cap  passé, vous allez découvrir une palette sonore diversifiée. Laissez-vous bercer, vaciller.

Colin Stetson – In The Clinches

Colin Stetson – Judges

Colin Stetson — High Above A Grey Green Sea

Avec un seul et même instrument, à l’écoute, vous aurez l’impression d’entendre  au moins quatre pistes superposées. Pourtant, il n’y a aucun ajout, aucun recours à des pédales d’effets. C’est en cela que son univers sonore est surprenant, puissant et addictif. Colin Stetson explore et pousse les capacités de l’instrument à ses limites.

Comme les instrumentistes à vent, il utilise la technique de la respiration circulaire qui consiste à produire un son continu, sans interrompre la respiration. Autrement dit, cela revient à inspirer et expirer en même temps. 

Son approche est presque tribale, multi-phonique, multi-rythmique. Incroyable, saisissante. Intense.

Colin Stetson au saxophone barython – Spindrift 

En l’écoutant, on retrouve les signatures si particulières des univers noise, drone, minimaliste, post-rock, dark metal, électronique aussi. Tout  se confond.  C’est hyper brut et c’est hyper beau.

En tant que saxophoniste, sachant ce que cela induit et implique, l’écoute est fascinante.

Il se peut que vous ne ressortiez pas complètement indemne de cette expérience.

L’intériorité de son art enveloppe tout le corps, se répand. Plusieurs formes palpitantes répondent à des échos vibratoires, des tremblements, des gémissements. Ecouter Colin Stetson revient à s’aventurer sur des territoires nouveaux. C’est une connexion à la Nature originelle, brute tel un retour à la terre dans toute sa beauté, sa complexité, sa puissance.

Ecoute intégrale de son album : All This I Do For Glory 

1 – All This I Do For Glory
2 – Like Wolves On The Fold
3 – Between Water And Wind
4 – Spindrift
5 – In The Clinches
6 – The Lure Of The Mine

Colin Stetson s’impose comme un soliste fabuleux. Il est l’un de ces artistes qu’il faut voir et écouter en live pour apprécier l’étendue de son art et comprendre la technicité de la respiration et du souffle.

Chaque morceau semble rappeler comment une âme sonnerait si elle pouvait crier, comment une âme résonnerait si elle nous parlait  musique.

L’écouter en concert est une expérience unique. Ne manquez pas cette chance !

Charlotte | Bokeh Me Not

Merci de ne pas utiliser le contenu de ce blog – textes et/ou photographies – sans ma permission et sans en indiquer la source https://bokehmenot.fr/

En apesanteur

Assister à une avant-première est bien souvent un moment particulier et offre une atmosphère spéciale. La semaine dernière, c’était pour moi un moment: génial !

Le 25 septembre dernier donc, dans la grande salle du Grand Rex à Paris était projeté devant une salle comble une épopée extra-ordinaire. Devant nos yeux avides d’aventures, un rêve que certainement beaucoup ont imaginé vivre, enfant ou plus grand, celui de s’envoler dans l’espace.

Lorsque toutes les conditions sont réunies, depuis quelques années,  lorsque la météo le permet, lorsque la nuit est tombée, lorsque  le ciel est clair, lorsque les nuages se sont dissipés, loin de toute pollution lumineuse, une nuit sans lune, lorsque les premières étoiles se mettent à briller, guetter  le passage de l’ISS est un moment singulier.

Ces quelques secondes avant de voir surgir de l’horizon sont  faites d’attente, d’euphorie, d’émerveillement. Ainsi, en famille, nous voilà campés tête en l’air pour ne pas dire dans la lune, les yeux fixant le cap selon les informations préalablement recueillies est un moment unique. En effet, suivre ce point lumineux, encore éclairé grâce aux rayons du soleil est un rendez-vous attendu. Depuis un jardin, l’été ou l’hiver, prendre conscience que ce point mobile est bel et bien habité est  fascinant. Se rendre compte que des humains sont  à bord de la station spatiale internationale entrain de voguer à vive allure, en suivant sa trajectoire, si haut est juste incroyable. Émouvant. 

Pendant deux heures, nous voilà immergés dans un voyage hors du temps. d’abord  à bord du soyouz qui va bientôt s’amarrer à la station spatiale internationale et avec elle, nous allons suivre le quotidien des astronautes de l’expédition 51 composée de  Peggy Whitson, Oleg Novitski et Thomas Pesquet.

Du 20 novembre 2016 au 2 juin 2017, le réalisateur Pierre-Emmanuel Le Goff a suivi ce dernier depuis la base de lancement de Baïkonur jusqu’à son atterrissage dans les plaines du Kazakhstan. 

Au delà de la mission scientifique, on suit ces 196 jours sans gravité. Propulsée à 28000 km/h, l’ISS fait ainsi le tour de la Terre en 1h30 !  Cela donne 16 levers de soleil, 16 couchers de soleil, des images incroyables comme si nous y étions. 

Ce long-métrage documentaire est sublime. Le spectateur est immergé à bord de l’ISS, à travers la caméra. On entend peu les dialogues. Une lenteur apparente se dégage comme pour mieux s’imprégner, percevoir de cette autre dimension. L’accent est volontairement mis sur les sons, la vie à bord. On est bercé, saisi, subjugué, émerveillé. Toutes ces émotions sont celles ressenties en visionnant ce film.

Les paysages plus beaux les uns que les autres de la Terre,  de l’espace, de la sortie extra-véhiculaire se déroulent, se découvrent, se dévoilent. Fragiles. C’est époustouflant. C’est réel. 

© ESA/NASA

© ESA/NASA

© ESA/NASA

En filigrane, certains passages de l’oeuvre d’Antoine de Saint-Exupéry participent à l’immersion dans cet autre monde. Les textes choisis accompagnent le spectateur. Nous sommes comme bercés, portés par la musicalité et le sens des mots. Cela donne envie d’ailleurs de relire, de re-découvrir Vol de nuit, Citadelle, Terre des hommes, le Petit Prince. 

La poésie continue d’opérer grâce à la musique. 

Comment ferions-nous sans elle ?  « On ne sait jamais où nous mènera la musique… ou là où on la mènera » pour reprendre la formulation de l’astronaute. En effet, Thomas Pesquet est aussi musicien. Son saxophone alto a fini par rejoindre l’ISS. Jouer du sax, en apesanteur, à 450 km au-dessus de la Terre, c’est dément ! et pour moi, ce serait un rêve !

© ESA/NASA

Guillaume Perret, saxophoniste également a composé la bande originale du film. D’ailleurs, pendant cette avant-première, ce dernier a interprété en live le premier puis le dernier morceau du film. Magique !

A votre tour, prenez de la hauteur, changez d’horizon, embarquez pour cette odyssée particulière. 

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16 Levers de soleil 

Long-métrage documentaire
En salle le 3 octobre 2018

Réalisateur : Pierre-Emmanuel Le Goff
Producteur : La Vingt-Cinquième Heure
Musique :  Guillaume Perret

https://youtu.be/h6fZV-kCenU

Un peu plus ici  :https://www.16leversdesoleil.com/

Charlotte | Bokeh Me Not

Merci de ne pas utiliser le contenu de ce blog – textes et/ou photographies – sans ma permission et sans en indiquer la source https://bokehmenot.fr/

Le crépuscule et l’aube

Parmi les instruments à vent dont beaucoup me plaisent pour leur sonorité, ce sera l’occasion d’y revenir à d’autres moments.  Un a une place à part. Il s’agit du saxophone. 

Comparé à d’autres, ce dernier est relativement récent. Peu de pièces ont été écrites pour lui. Cette particularité donne aux saxophonistes la possibilité de créer leur propre répertoire. Il en sera d’ailleurs question prochainement en vous présentant des morceaux et/ou des saxophonistes dont j’apprécie l’univers dans des styles et des expressions très différents. 

Pour l’heure,  je commence par le saxophone soprano et plus spécifiquement par une artiste. Le saxophone soprano a été beaucoup utilisé pour  les interprétations et jeux de jazz, jazz klezmer avec des influences plus orientales, blues ou des pièces plus contemporaines. 

Il est souvent confondu avec la clarinette. Pourtant, en orchestre dit classique, c’est rare d’avoir des saxophones soprani. Il est apprécié pour les compositions contemporaines. Il sonne en si bémol et possède la même tessiture que le hautbois. 

Jouer du saxophone soprano dans des oeuvres classiques ou bien du reste avec une approche classique, cela  sonnerait-il bien ?

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