Pause

Au gré des concerts, des écoutes aussi bien pour son projet personnel que pour son groupe Echo Says Echo, le fondateur du groupe, Alain D, dit Voyt est est l’âme pensante, créative des compositions, qui au fil du temps ont donné la signature sonore au groupe. 

Cela fait un moment que le quatuor parisien réfléchissait à créer un album. La communauté de fans dont je fais assurément partie a suivi leurs réflexions. La formation étonne, interpelle. Cet album était attendu.  Pause. Pause est le temps de quatre silences ou de huit demi-soupirs sur une portée musicale. L’illustration de l’album est d’ailleurs un clin d’œil au bouton « pause » avec ces deux bandes verticales, identifiables sur tous les appareils diffusant du son, permettant d’écouter de la musique.

Je reprends ainsi la plume après un arrêt sur image de plusieurs semaines, non pas par faute d’idées ni par manque d’envie mais plus par faute de temps disponible pour faire danser les mots, le temps libérateur de se poser pour l’écriture.

Les écouter est chaque fois une expérience particulière, immersive. Dès les premiers accords, on reconnaît bien le style d’Echo Says Echo dont un billet sur Bokeh Me Not présente déjà l’univers ici.

Au bord du monde, plusieurs atmosphères se fondent, se confondent. Pause propose cinq morceaux qui vous prennent et ne laissent pas les connaisseurs du genre indifférents.

Je ne saurai vous dire le nombre d’écoutes.

Quand on est fan, on ne compte plus surtout que j’ai découvert ces morceaux il y a déjà plusieurs mois tel un film diffusé à huis clos en avant-première dont on tait presque l’existence pour mieux en savourer la quintessence lorsque sa projection est annoncée. Pause est sorti le 24 juin 2021 chez le label Fluttery Records.

La plage d’écoute propose cinq morceaux au premier abord très différents mais dont le décalage assure une cohérence à l’ensemble. En effet,  il y a ce fil d’Ariane qui nous permet de ne pas être complètement perdu dans les abysses. Il s’agit de la signature sonore si caractéristique d’Echo Says Echo .

L’opus s’ouvre avec « After the Bombs, The Silence » autrement dit  » Après les bombes, le silence ». La mélodie n’est autre que celle de la signature sonore, celle qui accompagne tous les morceaux de la formation, à l’image d’un air que l’on fredonne. Ces enchainements vous rappellent que vous êtes en terrain familier. Même si le titre  est sombre, il laisse pourtant enter la lumière. Les premières minutes sont chaleureuses, amples, belles. Les sonorités, les tempi résonnent, ancrent la personnalité du groupe. Doucement, les sonorités procurent aux corps un changement d’état. C’est le genre de préambule qui permet de ne pas écouter et ressentir qu’avec les oreilles. C’est tout le corps qui écoute. Haletante, l’atmosphère si particulière d’Echo Says Echo est magnifiée. Ce morceau propose un sentiment de sympathie pour celui qui n’avait pas besoin d’être égaré.

« Our Toxic Surroundings » – « Nos entourages toxiques » quant à lui annonce une atmosphère bien différente, plus froide, plus clinique. Ce morceau n’est pas un ovni. L’ambiance est à la fois amusante d’une certaine façon et trépidante pour ne pas dire un brin déjantée. Cependant, ce morceau est plus complexe qu’il n’y paraît surtout pour les oreilles non habituées au genre. Il revisite à lui seul toute la palette des nuances du rock. Les changements sont abrupts comme si la ligne droite avait changé d’avis au dernier moment. Les revirements laissent perplexe. Ce morceau à bien des égards interpelle. Pourtant, il y a toujours cette mélodie, cette patte sonore, cet écho qui rassemble les mondes, les univers et les personnalités de chaque musicien. 

Parfois les séquences sont plus abrasives tandis que d’autres passages font penser aux teintes empruntées à l’électro. Les oscillations entre phases douces et moments planants avec des notes et accords hauts permettent à la luminescence de se frayer un chemin dans cette veine caillouteuse. L’écriture dense, tirée au cordeau ne laisse aucun détail s’aventurer au hasard. Cette frénésie révèle un travail approfondi, précis et libérateur. La formation parisienne a gagné en maturité. Certains des morceaux ont été réorchestrés à la manière d’un peintre qui aurait ajouté des nouvelles teintes à sa toile. 

Soudain, on tombe, on glisse, on perd pied totalement. « Dystopia » débute par une atmosphère sombre, presque carcérale pour ne pas dire oppressante, totalitaire à l’image d’un récit dystopique qui en désigne les limites. Les riffs fracassants, abrupts, durs laissent place à une attente sans issue de secours.  Le piège se referme.  La fulgurance monte en puissance pour atteindre un plafond où seules les ascendances procurent la plénitude d’une espérance. Les accords associés aux notes hautes assurent une sensation agréable, presque amusante. L’esquive de ce carcan est incertaine. Résistance.  Les transitions sur ce morceau sont nombreuses. On passe d’une rythmique à une autre en changeant d’ambiances comme si le groupe sur un même et seul morceau revisitait toutes les variantes et toutes les couleurs du rock, du post rock, du post metal, du post hardcore, de l’ambient. Entre plusieurs mondes : aériens, sous-marin, terrien, on ne sait plus. L’asphalte brûle les pieds, écorche l’âme, chamboule les sens. Les aspérités âpres laissent place à la douceur, à l’énergie chaude et palpitante. La cadence est sans cesse divergente. Elle pourrait nous faire perdre le fil. Or, il n’en est rien.  Chaque palier nous embarque dans un univers pas si différent de celui que l’on vient de laisser. Pourtant, on est comme face à une réalité inconnue, sans repère. On ne sait plus si on tombe, si on vacille ou si l’on se relève. Tympans, rétines, battements de vie se hissent, s’agrippent, s’accrochent à ce fil d’Ariane qui n’est autre que la signature sonore du groupe.

« Sitting by the lake » autrement dit  » Assis au bord du lac » quant à lui débute à l’inverse sur des sonorités attachantes, connues, lumineuses, planantes. La sérénité va t-elle perdurer ? Le filigrane nous guide face au regard porté sur le tumulte d’un océan démonté. Entêtante de beauté, la musique reprend son souffle. La nature engourdie  par une nuit diluvienne s’éveille. Les signes distinctifs du post rock s’étirent. La respiration retrouvée permet d’apprécier depuis les hauteurs un point de vue réconfortant. Il fait penser aux lacs d’altitude lorsque les boréales dansent au-dessus des rêves. Les nuits infinies sont inspirantes. Les notes chaleureuses de ce morceau  apaisent. Les plages musicales entêtantes, belles, intenses reprennent leur droit. Le rock est là  jusqu’au bout.  Alors qu’une rafale de vent emporte ce morceau dans la douce conclusion, l’auditeur peut réfléchir à la distance parcourue.  Techniquement, on est à peine sorti de l’ornière. L’apaisement est de courte durée. Soudain, le fracas récidive en impliquant un voyage plus long et plus dangereux dont on ne retient que les moments forts.

« Monsters in the maze » ou  » Monstres dans le labyrinthe » est quant à lui : enjoué, trépidant. Tapis dans l’ombre, entre chien et loup, les monstres masqués sont prêts à bondir. Ce morceau déterminé illustrerait à merveille un road-movie diurne ou nocturne lorsque les lumières des villes commencent à scintiller. Il me fait penser à New York lorsque les gratte-ciels restent éclairés. Il me fait penser aux vastes plaines africaines où dans la nuit noire, sur les pistes, vous ne distinguez plus rien. Une lumière ici ou là, à des kilomètres à la ronde vous indique que vous n’êtes pas seuls sur ces étendues, à perte de vue.  Dans la moiteur sous d’autres latitudes, ce morceau a lui seul explore bien des atmosphères minérales et luxuriantes. La tranquillité apparente est un mirage. Ce morceau est vivifiant. Les accords enjoués laissent passer des lueurs ténues, taciturnes, mélancoliques qui finissent par s’évaporer. Les séquences et plans images défilent à toute vitesse telle une course sans fin et sans fuite pour nous rappeler que la vie, elle, passe vite. Le final est grandiose.

A toute allure, il n’y a pas une seconde à perdre. Le placement des sons les uns par rapport aux autres est soigné, l’équilibre est ordonné. En effet, chaque instrument est bien identifiable à l’oreille. Ce premier album est dense, fougueux, exubérant, ambitieux. L’énergie ne faiblit jamais.  L’ambiance générale  laisse une impression durable : audacieuse, sauvage, forte. Plus que tout, dans cette période particulièrement complexe qui alterne sans concession les paradoxes les plus troublants, qui amplifie le repli sur soi, qui souffle le chaud et le froid, qui entretient la peur; les musiciens d’Echo Says Echo révèlent la matière et nous font nous sentir vivants. Ce groupe a un talent immense.

Les concerts me manquent terriblement. Il me tarde de les revoir jouer sur scène pourvu que l’attente ne soit pas trop longue. En attendant une date pour aller les écouter en live, tel un beau fruit qui comblerait les papilles, je ne saurai trop vous conseiller d’être, de rester debout pour écouter bien fort et sans modération ce premier album. Ces 42 minutes de pause sont intenses. 

 

Membres du groupe :

  • Alain : Basse
  • Alberto : Guitare
  • Aurélien : Batterie
  • William : Guitare

Bandcamp : https://echo-says-echo.bandcamp.com/

Facebook : https://www.facebook.com/echosaysecho

Echo Says Echo chez Fluttery Records : https://flutteryrecords.com/echosaysecho

 

Leur album peut être écouté dans son intégralité ici :

 

Charlotte | Bokeh Me Not

Merci de ne pas utiliser le contenu de ce blog – textes et/ou photographies – sans ma permission et sans en indiquer la source https://bokehmenot.fr/