L’espace est silence

L’espace est silence ainsi s’intitule cette superbe exposition consacrée au travail du peintre Zao Wou-Ki.  

Les atmosphères minérale, végétale, aquatique, abyssale se dévoilent aux yeux des visiteurs. Une quarantaine de toiles peintes à l’huile ainsi que des encres de Chine sont exposées et proposent aux visiteurs un voyage hors du commun. 

Cette exposition a ouvert ses portes début juin. Depuis, j’y suis déjà allée à trois reprises tellement c’est beau. 

Zao Wou-Ki est un peintre chinois. Il exprime la nature. Peu de ses toiles ou ses encres portent un titre. A part « Traversée des apparences » avec une dominante de tons pastels, « Le vent pousse la mer » avec des nuances bleues d’une profondeur incroyable. D’autres sont des hommages aux grands maîtres tels que Henri Matisse ou Claude Monet. La majorité de ses  oeuvres ne comportent aucun intitulé. L’auteur nous donne aucune piste. Nous sommes libres d’imaginer ce que l’on comprend en regardant, lisant les toiles.

On peut y pressentir des troncs d’arbres échoués sur une plage, des algues flottant immédiatement sous la surface, des sous-bois, des paysages polaires, déserts, lunaires,  des ruines sous un soleil de plomb des friches sous la neige à l’aube,  des geysers ou bien rien de tout cela. La Nature est l’élément central de l’oeuvre de Zao Wou-Ki, suggérée serait plus juste. 

Des superpositions de pigments, de matières, le travail au couteau par aplats,  la gestuelle du peintre est visible.  La façon dont la peinture a été travaillée, posée avec douceur ou bien de façon plus énergique est palpable. Cela m’a fait penser à la façon avec laquelle on assiste à un concert peu importe le style ou le répertoire. Des phases lentes, douces, tranquilles contrastent avec celles qui partent crescendo, avec des notes plus incisives, des cadences abruptes ponctuent certaines symphonies. Face à ces grands formats sur un seul châssis ou bien en triptyque, on se sent aspiré, immergé dans la couleur et du tableau tout entier. 

Peindre en petit format ou en grand format est particulièrement complexe.  Le plus difficile et délicat est de garder une unité, un lien harmonieux. Le regard respire. Il n’est pas enfermé dans la toile. Il peut s’évader, s’échapper. On ne se sent pas oppressé en regardant de près, à distance ses tableaux. Il n’y a pas de scission à la lecture peu importe le sens de lecture.

Le cerveau cherche toujours par analogie à retrouver des formes connues pour essayer de comprendre, de mieux voir. C’est un phénomène inconscient.  Le sens de lecture est un héritage acquis puisque il a été appris. 

En effet,  en Occident, on écrit et lit de gauche à droite et de bas en haut. En Orient, notamment en Chine ou au Japon, on lit de haut en bas puis de gauche à droite. Pour les langues sémitiques telles que l’arabe ou l’hébreu, écriture et lecture, quant à elles se font de droite à gauche.

La compréhension d’une oeuvre picturale passe de façon induite par le sens de lecture et d’écriture de sa langue maternelle. On garde plus ou moins ce schéma inconscient.

Pourtant, essayez vous-même d’analyser votre sens de lecture d’un support qui n’est pas un texte. Percevez la manière avec laquelle votre cerveau fonctionne. Lirez-vous l’ image : photographie, dessin, peinture de la même manière qu’un texte compréhensible dans votre langue ?  Vous serez surpris-e-s de vous apercevoir que ce schéma de lecture est différent. Il se peut même qu’il ne ressemble à aucun mode de lecture logique. 

Lorsque rien est figuratif, l’abstraction en peinture, dessin peu importe les teintes utilisées a, n’impose aucun sens de lecture. Chacun lit, dans le sens qu’il souhaite et verra, comprendra, percevra des histoires différentes. 

L’exposition est bien agencée. On circule facilement. Les salles sont spacieuses avec une très grande hauteur sous plafond et offrent suffisamment d’espace pour se reculer et admirer les oeuvres dans leur intégralité. Ce que j’ai préféré, est d’avoir pu m’approcher le plus possible des toiles et scruter, observer la façon avec laquelle les pigments ont été posés, mélangés.  

Ce qui m’a également plu et retenu mon attention est sa façon d’avoir mis en scène  la couleur avec  les rythmes donnés aux pigments parfois utilisés purs. Sur le tableau dit « Grande fenêtre« , aux côtés des bleus pâles et roses, la couleur noire sur ce tableau donne l’impression d’un velours d’une douceur infinie. La teinte noire n’est pas du tout triste et magnifie l’ensemble. C’est vraiment beau. 

Ses toiles sont tout sauf silencieuses. 

Cette exposition offre aux visiteurs une sérénité certaine. L’espace environnant amène au silence, à la réflexion, au lâcher-prise. La beauté de la couleur se savoure. Une atmosphère chaleureuse et apaisante vous envahit. L’imagination vagabonde.

Il se peut que j’y retourne une quatrième fois tellement l’abstraction en très grand format donne une autre réalité, une autre perspective, une autre dimension à la peinture. Cette exposition est un délice pour les yeux.

Afin de vous donner une idée, voici quelques extraits pris lorsque je me suis approchée de ces toiles immenses. 

Fragments des huiles sur toiles © Zao Wou-Ki

Fragments des encres de Chine – © Zao Wou-Ki

Aperçu des grands formats – © Zao Wou-Ki

Exposition Zao Wou-Ki

A voir jusqu’au Dimanche 6 janvier 2019

au Musée d’art moderne – Paris

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Charlotte | Bokeh Me Not

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