Aimer la pluie

Par temps gris, lorsque les nuages dansent, il suffit de lever les yeux, prêter l’oreille pour écouter le vent. Il lui arrive d’être abrupte, battante, brève, continue, drue, diluvienne, fine, glacée, précipitée, tiède, torrentielle, tranquille.

Si le vent s’en mêle, selon la saison,  elle s’abat par averse. Parfois, c’est plus agréable, il  bruine, un petit crachin illumine. Les gouttes d’eau soudainement s’affolent, la colère  des éléments prend des allures de déluge. Sous d’autres latitudes, elle est grain. En Mars, on a coutume de dire qu’elle est giboulée. L’air se rafraîchit, elle se transforme subitement en grésil. L’instant suivant, ce sera une ondée. Tant qu’elle ne tombe pas en  trombes, et si étourdi-e-s sans parapluie, on pouvait éviter de se prendre la saucée, c’est sûr, la pluie est plurielle et ne laisse personne indifférent. La pluie exaspère autant qu’elle captive. Bien souvent, elle est détestée. Elle joue aussi avec notre humeur.

Extrait : 

« Rares sont ceux qui l’aiment. » 

La pluie est multitude. 

Elle métamorphose la matière, notre être, nos perceptions. 

On ne peut rien faire, on ne peut la contrôler. On ne peut que la regarder. La pluie est une métaphore de la vie. Tendez l’oreille, ouvrez les yeux.  Écoutez-la chanter.

La pluie est tel un songe. La pluie s’apparente à un murmure fredonné ou adopte un air relevé. Sa rythmique est visible. Observez-la derrière la vitre.  La regarder, la contempler permet de s’échapper, rêvasser derrière une fenêtre.

Les artistes : cinéastes, dessinateurs, illustrateurs, metteurs en scène, musiciens, parfumeurs, peintres, photographes, poètes la craignent parfois. Ils redoutent qu’elle ne vienne dénaturer, retarder, reporter leurs créations, délavent les teintes, emportent les notes, brouillent les sons. Pourtant,  grâce à elle, elle est matière.  Avec elle, ils puisent leur inspiration. Elle devient leur muse.

La pluie enseigne la patience, la créativité. 

Qui n’a jamais attendu sous un porche, en équilibre sur une marche étroite pour éviter de se faire tremper ou avoir l’illusion certaine de rester sec ? Qui n’a pas espéré qu’il  cesse de pleuvoir pour éviter de prendre une rincée ? 

Qui, en effet,  n’a pas essayé de révéler sa couleur, sa légèreté, sa densité, sa consistance, son parfum sur papier, sur bois, avec de l’encre sur des estampes, des pigments mélangés à l’eau, à l’huile sur toiles de lin, de coton ou de chanvre ?

Qui n’a pas essayé d’imiter ses sonorités, sa rythmique, son humeur, révéler sa fragrance ? 

Certaines fleurs, l’iris en est un exemple continue de répandre son parfum tubéreux profond oscillant entre des notes fraîches, des tonalités suaves voire sucrées et la douceur des agrumes. La pluie est un exhausteur pour les sens. 

Qui n’a pas admiré ces paysages au loin, couverts par l’orage, baignés un temps par la brume ?

Parfois, ils deviennent des mirages aidés par un brin de soleil.

La pluie est mouvement. Impermanence. 

Tout change avec elle. Justement dosée, elle a cette faculté de valoriser les couleurs comme le ferait un vernis. Elle agit comme un révélateur. 

Tel le feu, on l’entend crépiter sur les toits. 

Les reflets de son empreinte  se laissent apprivoiser dans les flaques d’eau. 

Ses teintes  modulent le panorama, les paysages se révèlent. Sa mélodie laisse place à un nouveau tableau. Les parfums de la terre après un orage exhalent les arômes des sous-bois, de la terre chaude. Après l’averse, les parfums organiques des végétaux abasourdis se réveillent.

J’aime la pluie, jouer avec elle. Elle ne facilite pas la tâche alors que l’on se retrouve dessous. Pourtant, capter son atmosphère, saisir sa personnalité est amusant, intéressant et parfois s’apparente à un défi.   

Les écrivains, les poètes également en jouant avec les mots savent révéler son caractère.

A ce propos, je ne saurai trop vous recommander de découvrir ce livre, intitulé : Aimer la pluie, aimer la vie. Il est l’un de mes préférés que je conseille souvent, même aux plus récalcitrants lecteurs… Il peut être lu lorsqu’il fait soleil, à tout moment en fait. Il prend évidemment tout son sens quand il pleut.

Ce livre est superbement écrit. Il est plein de finesse et de sagesse.  C’est beau… mais beau. Il est un hymne à la nature, à la pluie, à sa perception, au regard qu’on lui porte, aux humeurs ressenties lorsque les nuages tombent, un livre qui mérite de s’y attarder au fur et à mesure des pages, en le lisant de la première à la dernière, puis en y revenant par passage, au hasard. 

La pluie est plurielle: ses rythmes, ses nuances, sa musicalité, ses teintes infinies, sa palette de gris, ses parfums sont un enrichissement inépuisable.

L’auteur, Dominique Loreau a pris soin d’en exprimer chaque nuance, chaque détail. La pluie, « cette métaphore de la vie » pour reprendre sa formulation révèle ce qui nous anime : du spleen à la tranquillité, de la sérénité à l’apaisement, de la rêverie au bien-être. La pluie est passagère, voire éphémère. Elle s’inscrit dans le temps présent.

Extrait :

 » Gardons notre regard conscient, notre ouïe en alerte, recherchons les parfums qui nous parlent du passé. Apprécions de la pluie chaque goutte, chaque élément ; et de la vie, chaque seconde. « 

La pluie est poésie. 

Loin du bruit de la ville, loin du tumulte du monde, la pluie émerveille. 

La pluie n’en finit pas de livrer ses secrets.

Extrait : 

 » A ce jour, aucun poème, aucun tableau, aucune musique n’a été capable d’en épuiser sa beauté. « 

N’attendez pas la prochaine averse, lisez ou relisez ce livre. Grâce à lui, vous ne percevrez plus jamais la pluie de la même façon. 

  • Titre : Aimer la pluie, aimer la vie
  • Auteur: Dominique Loreau
  • Langue : Français
  • Edité par : J’ai lu
  • Année de parution : 2011
  • Format : 1 vol. (190 p.) ; ill. ; 18 cm

Charlotte | Bokeh Me Not

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