De l’essence à la quintessence sonore

Comment une âme pourrait-elle résonner ? 
Qu’ils soient à cordes frappées, à cordes frottées, à cordes pincées, ou bien à vent, quel point commun y a-t-il entre une basse, un basson, une cithare, une clarinette, un clavecin, une contrebasse, un didgeridoo, une flûte, une guimbarde, une guitare acoustique, une guitare électrique, une harpe, un hautbois, une mandoline, un piano, un ukulélé, un violon, un violoncelle pour ne citer qu’eux ?

Ils sont tous en bois dans leur totalité ou en partie. Si l’acacia noir, l’acajou, le bambou, le bois de rose, le buis, le cerisier, le cèdre, le citronnier, le cyprès, l’ébène de Macassar, l’épicéa, l’eucalyptus, le koa, le liquidambar, le louro faia, le noyer le palissandre, le padouk, le poirier, le sycomore, le ziricote sont utilisés en lutherie par les facteurs d’instruments, l’érable rejoint la liste. C’est de cette essence dont il s’agit ici.
L’affiche a d’abord attiré mon attention. Une image vaut mille mots aiment à dire les iconographes. J’ai cru voir la représentation d’un violoncelle dans une forêt. J’aime les sons graves émis par ce dernier ainsi que ceux de la contrebasse. Mes oreilles ont mis plus de temps à apprécier les tonalités plus hautes de l’alto et du violon. C’est de cet instrument dont il est question.
Plus encore, c’est la recherche d’un érable moiré qui va mener un luthier de Crémone, cité du violon et terre du Stradivarius, jusqu’à la recherche d’un arbre idéal, d’une grume spéciale pour créer un violon unique à une concertiste de renom. 
Le spectateur est embarqué dans une quête, une enquête, une chasse au trésor faites d’espérances, de déconvenues, de patience, de persévérance, de reconnaissance, d’humilité, de respect.
Les séquences tournées façon road-movie caméra à l’épaule, en plans rapprochés sur la facture de l’instrument, les prises de vue aériennes ou en contre-plongée illustrent ce cheminement. 
Quatre ans ont été nécessaires au réalisateur norvégien pour nous partager son travail pensé comme un film d’aventure.
Chaque instrument de musique est unique, créé, conçu pour une acoustique spécifique avec des jeux sonores incomparables. Ainsi la technique se mêle à l’acoustique. L’âme du bois se lie avec celle du son, qui s’accorde avec celle de la mélodie, qui à son tour se conjugue avec la sensibilité du musicien.
Ainsi, le luthier et le musicien forment un duo au service de la musique. Ils sont en osmose et recherchent la sonorité absolue. Le premier permettra au second d’atteindre cette perfection ou bien le second sublimera le rêve du premier.  
Le bois est une matière vivante. Chaque essence a ses qualités, ses propriétés. Recherchées pour leur fil régulier, pour leur grain fin, pour leur solidité, pour leur souplesse, pour leur teinte, pour leur parfum. Le choix d’une essence plutôt qu’une autre s’apparente à la sélection d’un cépage pour l’œnologue et le vigneron, d’un jardin pour l’amateur de thé ou de café, d’un terroir pour une huile d’olive ou pour un poivre. Certains bois, pour leur rareté suscitent les convoitises. 
De l’essence à la quintessence du son, il n’y a qu’un pas. Le bois est l’âme de l’instrument. Il est résonnance. Sa préparation requiert la plus grande attention. Trouver le bois qui permettra une bonne transmission des vibrations et par conséquent des sons est un métier, un art. 
Ce grand végétal s’érigeant à plusieurs mètres de hauteur impose le respect et la prudence. Le luthier italien ira jusque sur les pans escarpés des forêts de Bosnie à marcher à tâtons pour éviter les mines antipersonnel, stigmates scélérats laissés par la guerre et la folie des hommes. Le trésor recherché est un érable moiré ou érable ondé dont la particularité est d’avoir des ondes aux motifs déformés pour l’aspect esthétique. Surtout, les spécimens de 200 ans, 300 ans ont un secret. L’utilisation de cette essence multi-centenaire associée aux formes des pièces puis de l’assemblage permettent d’obtenir une sonorité sublime,  une résonnance s’approchant de celle des Stradivarius.
Intéressée, passionnée depuis toujours par le monde végétal: les fleurs, les plantes, les arbres, les mousses; je ne peux pas m’empêcher de les étudier, les photographier, les dessiner, les regarder pousser, les voir grandir. Passionnée par la musique, un temps jouée, maintenant écoutée et toujours ressentie, ce documentaire fait sens également puisque dans mon activité principale, aujourd’hui, je travaille au côté d’artisans qui transforment la matière première dont le bois : agenceurs, charpentier, ébéniste, menuisier. Les écouter parler de leurs métiers fait écho d’une certaine manière à ce film.   
Ce documentaire passionnant illustré par de très beaux morceaux au violon est une merveille pour les yeux et les oreilles. Il  séduira autant les amoureux des arbres, les artisans qui travaillent le bois, que les musiciens tous répertoires confondus qui s’accordent à jouer juste et donnent une âme à la musique. 
La symphonie des arbres

Genre :  Documentaire
Nationalité: Norvège
Diffusion : VOSTFR 
Sortie en France : 15 décembre 2021
Durée : 1h30

Bande-annonce : 

Charlotte | Bokeh Me Not

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