Autrenoir

Chers lecteurs,

Ce qui est génial dans la musique est cette découverte permanente d’ambiances à porter d’oreilles. Autrenoir n’échappe pas à cette observation. Il est la confrontation de deux mondes aux influences complémentaires, celui de Paul Régimbeau, connu pour ses albums de techno cinématographique sous Mondkopf et Greg Buffier, musicien aux inspirations métal / post-hardcore, il participe au duo ambiant Saåad (Hands in the dark).   

Autrenoir  s’apparente pour moi à une expérience à plusieurs entrées, pas uniquement sonore donc. En effet, leur univers est une expérience cognitive, sensorielle de la matière des sons plus que de la musique.

Il est monochrome mais pas monotone. Avant même de prendre le temps d’écouter, l’expérience de la couleur domine. L’intitulé aurait pu être Autrejaune, Autrerouge, Autreorange..  La différence aurait été l’ambiance du paysage. D’un tissu urbain ciselé, on serait passé à une tempête de sable ou bien un mirage. Le choix de la couleur finalement importe peu. La perception du panorama de sons reste translucide.

Puis vient l’écoute. La couleur noire semble vouloir à tout prix influencer  l’auditeur. Dans l’inconscient occidental, cette teinte est une allusion à l’obscurité, à la tristesse. Or, dès que l’on écoute, ce n’est pas ce qui vient à l’esprit. En effet,  la teinte noire ne fait pas forcément référence à une variation triste, sombre. C’est en cela que le projet servi par leur créateurs,  est intéressant. Le projet est structuré, convaincant et accessible.  Il mêle ambiances drones à des rythmes directs, des phrases incisives, des cadence agressives à des sons électroniques. Le mélange fonctionne bien. L’auditeur est embarqué dans un rêve réel. On peut tout à fait s’imaginer être au coeur d’une ville imaginaire, invisible dont seul l’apparence serait palpable dans les reflets projetés sur une mer d’huile, calme, inerte presque. Cette complexité entre inertie et mouvement  est saisissante. 

Autrenoir – Ether

Autrenoir dans son intitulé me fait instinctivement penser à la matière noire, au sens de la couleur physique, plasticienne, visuelle dont j’aborde l’univers dans un de mes précédents articles consacré à l’ Outrenoir. Outrenoir, Autrenoir…  une lettre les dissocie. Ecouter Autrenoir me fait penser à ces variations de matières travaillées au couteau, par aplats en couches plus ou moins épaisses à même la toile. Des superpositions de matières s’entrechoquent et font naître d’autres rythmes.

Leur répertoire me fait  également penser aux jeux d’ombres et lumières  soignés, très travaillés du photographe germanique,  Kai Ziehl. En effet, ce dernier montre comment la froideur des paysages urbains peut devenir significative et expressive. Ce qui me fascine dans son travail c’est la dextérité ciselée, le soin apporté à chaque ligne, à chaque jeu d’ombres et de lumières. Chaque clair-obscur est évident. Ces plans en noir et blanc capturent la vraie dimension des villes. La rigueur des constructions associée à l’esthétique géométrique des ponts, des grands bâtiments, des gares deviennent une série de lignes et de motifs saisissants, entêtants. 

Entêtant donc à la façon d’une autre oeuvre musicale associant les composantes d’ artistes aux horizons distincts. L’écoute de l’album court d’Autrenoir m’évoque l’extra-ordinaire concert dessiné en grand format autour du projet Human Being Human, fruit de la collaboration entre Murcof (électro) aux claviers, Erik Truffaz (jazz expérimental) à la trompette et Enki Billal (dessinateur de BD). Le tout était immersif, noir, carcéral, oppressant presque. Je relate cette expérience sonore et visuelle  en deuxième partie de mon article sur  Erik Truffaz . En écoutant l’album d’Autrenoir, cela me fait vraiment penser en terme d’ambiances à ce concert dessiné. A la différence que l’album Autrenoir n’a pas cet aspect hypnotique.

Erik Truffaz & Murcof – Being Human Being (Album entier) 

En écoutant Distant Voices d’Autreunoir, plusieurs mondes artistiques se juxtaposent. La perception est transversale, audacieuse. .L’expérience n’est pas uniquement sonore. Elle fait ainsi appel à chaque sens. L’album court, composé de cinq morceaux est en écoute intégrale sur le compte Bandcamp du groupe :  Autrenoir – Bandcamp  

Enfin, le projet Autrenoir sera à vivre en réel le 17 mai prochain au Centre Pompidou à Paris pour une expérience sonore prometteuse, ici : Soirée sonore #5 – Ultrasons – Jeudi 17 mai 2018, Centre Pompidou | Paris

 

 

Charlotte | Bokeh Me Not

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